Menaces d'un conflit nucléaire

Les années 1980 sont restées dans nos mémoires comme les années des grandes protestations contre l’armement nucléaire, plus spécifiquement contre l’installation de missiles nucléaires en Europe. Des centaines de milliers de manifestants remplissaient les rues de Bruxelles, Amsterdam, Bonn. En Belgique, la base militaire de Florennes était désignée pour recevoir les missiles américains, qui y furent installés à partir de 1985.

La course à la bombe aujourd'hui

Plus de 30 ans plus tard, la Belgique héberge toujours des bombes atomiques étasuniennes, les B-61, à Kleine Brogel dans le nord du Limbourg. Ces bombes B-61, qui sont installées en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie, sont reprises dans un programme de modernisation qui a pour but de les doter d'un système de précision qui les transformera en un nouveau type de bombe, B61-12. Les sommes prévues pour le faire sont énormes.

De son côté, la Russie a mis au point son système Avangard pour ses unités de combat. Il s’agit d’un système de missiles intercontinentaux capables de lancer un planeur hypersonique équipé d’une tête nucléaire. À son tour, la Chine innove son programme nucléaire avec un missile balistique qui peut être muni d’une tête nucléaire, et la modernisation d’un lanceur mobile pour un missile intercontinental. Elle développe également un missile intercontinental à multiples têtes nucléaires ainsi qu’un nouveau missile balistique aéroporté.

Pour le grand public, la menace de la bombe appartient au passé. Hélas, quand on suit ces développements, le constat ne peut être que différent. La planète est en danger, non seulement à cause du changement climatique, mais également à cause de la menace grandissante d’une guerre nucléaire. Une étude de la revue Science Advances pointe le conflit au Cachemire, entre le Pakistan et lInde, comme le premier danger. Ces deux pays sont des puissances nucléaires qui n’ont pas adhéré au Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP).

Et les traités

Le Traité sur la non-prolifération (TNP) prévoit le désarmement nucléaire des cinq puissances nucléaires et l’interdiction pour les autres pays d’obtenir la bombe. Mais les cinq (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France) n’ont jamais réellement voulu se désarmer. Et voilà que nous comptons actuellement quatre puissances nucléaires de plus : l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël.

En plus, l’architecture de contrôle des armes nucléaires, construite étape par étape pendant la guerre froide, est en train de s’effondrer. Le 7 juillet 2017, à l’ONU, 122 pays ont voté un Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), qui entrera en vigueur après sa ratification par cinquante pays. Il faut noter que les cinq ne l’ont pas signé (la Belgique non plus, d'ailleurs). En fait, les puissances nucléaires continuent leur développement sans tenir compte du reste du monde. Déjà en 2002, le président G.W. Bush retirait unilatéralement les États-Unis du Traité anti-missiles balistiques (ABM, Anti-Ballistic Missile Treaty) de 1972. Depuis cet été 2019, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF, Intermediate-Range Nuclear Forces Treaty) de 1987, par lequel les missiles de Florennes furent retirés, n’existe plus. Les États-Unis se sont retirés de ce traité en accusant la Russie de le violer par le déploiement de missiles à portée présumée de plus de 500 km.

Et quid du traité New Start qui expire en 2021 ? Cet accord limite, pour les États-Unis et la Russie, le nombre de missiles stratégiques déployés à un maximum de 1550 chacun. Et rien ne montre que les parties concernées envisagent des pourparlers pour la prolongation ou le renouvellement de ce traité.

Sans le traité INF, le risque d'une nouvelle course aux armements avec des missiles de portée intermédiaire en Europe et dans le monde devient très réelle. Les États-Unis et la Russie ont un intérêt commun à se défaire de ce traité puisqu’il ne couvre que leurs armements et laisse la Chine libre de s’armer davantage. La tendance à Washington de se focaliser sur les développements en Asie avait commencé sous Barack Obama. Avec l’élection de Trump, cette obsession est devenue plus grande.

Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont exprimé leur regret concernant la fin de ce traité, et craignent un déploiement supplémentaire de missiles américains. Avec la fin du traité, disait Heiko Maas, le ministre de la Défense allemand, l’Europe perd une partie de sa sécurité : « La sécurité européenne ne sera pas améliorée avec le déploiement de davantage de missiles nucléaires à portée intermédiaire. »

L'OTAN comme big brother..

Évidemment, l’OTAN s’est rangée derrière l'avis américain concernant la violation présumée de l’INF par les Russes. « Une situation dans laquelle les États-Unis suivent totalement le traité alors que la Russie ne le fait pas, est intenable », déclare Jens Stoltenberg, son secrétaire général. « Nous augmenterons nos opérations d’intelligence et de surveillance ainsi que notre défense anti-missile. » Lors de son dernier sommet tenu à Londres, cette organisation n'a fait que confirmer sa vocation à servir les industriels de l'armement. Elle vise maintenant à militariser l'espace, un nouveau domaine pour de juteux investissements. En outre, elle persiste dans ses remontrances envers les pays membres pour qu'ils dépensent davantage dans l'achat d'armes (de préférence américaines…). Vivement, alors, que revienne l'esprit des années 80 !

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