Bahar KIMYONGÜR | Percligia : Dissidence théologique et révolte sociale dans l'empire ottoman du XVe siècle

Vladimir Caller, le .

Les mystiques du Moyen Âge, disait Friedrich Engels, avaient déjà une conscience de classe lorsqu'ils rêvaient de l'approche d'un règne millénaire. Faire connaître la vie et surtout les luttes des très anciens combattants des luttes populaires de la Turquie médiévale, c'est l’un des objectifs que s'est donné notre ami Bahar Kimyongür, en nous présentant l'itinéraire de vie et de lutte de Beurkludjè Mustafa. Ce paysan mystique et rebelle, appelé Percligia, sut associer la sincérité de ses croyances en un « règne millénaire » avec le devoir de se battre pour que ses proches puissent, en attendant, jouir d'un règne terrestre juste ou pas si injuste.

Ces convergences entre les impératifs du sentiment religieux et la conscience sociale n'attendirent pas l'arrivée des Lumières pour se manifester. Les prêtres paysans anglais John Ball et Richard Kett annonçaient déjà la couleur, eux qui au XVIe  siècle paieront de leur vie le fait d'avoir dirigé les révoltes de leurs frères contre les grands propriétaires terriens qui clôturaient les terres communes pour agrandir leurs domaines et empêcher les paysans pauvres d'y avoir accès. Ce fut aussi le cas du révolutionnaire paysan anabaptiste Thomas Muntzer qui, cette fois en Allemagne et presqu'en même temps, osa vouloir apporter un peu d'hormones sociales aux théories de Luther et dirigea la grande révolte paysanne d'Allemagne, récoltant la haine et des grands propriétaires et de Luther lui-même. Sa devise Omnia sunt communia[1], simple comme bonjour, eut l'effet d'une étincelle qui alluma les prairies germaniques (et autres). Bahar nous invite, avec son ouvrage, à faire la connaissance de ce musulman turc qui, sans le savoir, partageait le mot d'ordre de son camarade anabaptiste allemand. VC

* Editions Les Indes savantes, Paris, 2021


[1]     "Toutes les choses sont communes"

Imprimer