Juan Gonzalo Rose : Nouvel An

De son exil mexicain, où il cotoyait d’autres éxilés dont Ernesto Guevara, Fidel Castro, et l’uruguayen Raul Sendic (fondateur du mouvement Tupamaros), le poète péruvien Juan Gonzalo ROSE, écrivait ce poème une nuit de réveillon des années 50

NOUVEL AN

Nouvel an dans le sang des assassinés.

Nouvel an dans les salles de tortures et
dans l’œil du prisonnier où un temps
sans soleil fait son nid.

Nouvel an dans la table du tyran et dans
le portemanteau vide de l’exilé.
Nouvel an chez la mère et son fils
séparés seulement pour quelques verrous.

Ils n’ont pas de nouvel an des peuples comme le mien.

Le paysage est peut-être nouveau,
mais c’est toujours la même absence.

Le mouchoir peut-être nouveau,
mais c’est toujours la même larme.

Le linceul renouvelé,
mais c’est toujours la même mort.

Bonne année, douleur ;
rage du peuple,
haine du juste,
colère du saint.

Bonne année fusil : apprends-moi à
chanter les ans nouveaux.

Méxique, DF, 1953
traduction libre de V. Caller

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