LA REINE EST MORTE, VIVE LA RÉPUBLIQUE !
La reine Elisabeth est née en 1926 à une époque ou le Royaume Uni était la première puissance mondiale et le plus grand empire colonial de l'histoire. L’empire britannique s'étendait sur 33,7 millions de km2 (environ 22 % des terres émergées) occupés par un quart de la population mondiale de l’époque. Derrière une sacro-sainte volonté civilisatrice, les gouvernements de l’empire ont toujours manifesté une volonté expansionniste qui faisait fi du sort des populations. Jusqu’en 1833, l’empire participa au commerce des esclaves qui sont transportés dans des conditions effroyables sur des bateaux spécialement aménagés.
Héritière d’un passé tragique
Nous évoquons ci-dessous certains exemples de la liste non limitative des méfaits de l’empire durant les deux derniers siècles.
L’Irlande fut la première colonie de l’empire avant d’être intégrée dans le « Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande » en 1801 par le traité d’union. Cependant, ce changement de statut ne va pas améliorer la situation de la population irlandaise. Majoritairement catholiques, les Irlandais restent des citoyens de seconde zone. La plus grande partie des terres irlandaises sont alors acquises par de riches propriétaires anglais.Les paysans irlandais sont réduits au simple rang de locataires de ces terres. À l’exception des pommes de terre, la production agricole servait de loyer aux propriétaires qui l’exportaient vers l’Angleterre. Entre 1845 et 1852 ces exportations de nourriture vers l’Angleterre entraineront une famine qui fera un million de victimes. Des millions d’Irlandais devront leur salut à une émigration vers les Etats Unis réduisant la population de 25%.Partisan d’un libéralisme économique sans entrave et méprisant les pauvres, le gouvernement de sa majesté restera insensible et ne fera rien pour faire face à cette tragédie. Après plusieurs insurrections et une guerre civile qui feront des dizaines de milliers de victimes, l’Etat Libre d’Irlande est proclamé en 1922 avec Dublin comme capitale. Jusqu’à ce jour, le nord de l’Irlande, ou Ulster, reste sous la direction britannique à l’exception de trois comtés qui ressortent de l’Etat libre.
Femmes et enfants boers internés dans le camp de concentration de Nylstroom, env. 1901
A la fin du 19e siècle, un autre fait d’arme de l’empire fut la guerre des boers menée entre 1880 et 1900 par la reine Victoria contre les descendants des colons hollandais (les boers, c’est-à-dire les fermiers présents en Afrique du Sud depuis le début du 18e siècle, dans le but de s’approprier des gisements aurifères et diamantifères de cette région. Au terme de cette guerre, les territoires « boer » de l'État libre d'Orange et de la république sud-africaine du Transvaal, furent intégrés de force dans l'Empire britannique. Cette guerre causa la destruction d'environ 30 000 fermes et d’une quarantaine de petites villes entrainant la déportation de 240 000 boers et africains noirs dans une centaine de camps de concentration où 45 000 moururent d’inanition ou de maladie.
Lizzie van Zyl, enfant boer internée et morte dans le camp de concentration de Bloemfontein
A la fin du 19e siècle, un autre fait d’arme de l’empire fut la guerre des boers menée entre 1880 et 1900 par la reine Victoria contre les descendants des colons hollandais (les boers, c’est-à-dire les fermiers présents en Afrique du Sud depuis le début du 18e siècle, dans le but de s’approprier des gisements aurifères et diamantifères de cette région. Au terme de cette guerre, les territoires « boer » de l'État libre d'Orange et de la république sud-africaine du Transvaal, furent intégrés de force dans l'Empire britannique. Cette guerre causa la destruction d'environ 30 000 fermes et d’une quarantaine de petites villes entrainant la déportation de 240 000 boers et africains noirs dans une centaine de camps de concentration où 45 000 moururent d’inanition ou de maladie.
Avec la complicité de la France, l’Empire britannique profitera de la première guerre mondiale pour élargir son emprise sur le monde. Dans le plus grand secret, le 16 mai 1916 un accord est conclu au siège du gouvernement britannique, 10 Downing Street à Londres entre Paul Cambon, ambassadeur de France, et Sir Edward Grey, secrétaire d'État au Foreign Office (Affaires étrangères) de sa majesté (accords Sykes-Picot). Cet accords concernaient le démembrement de l’empire Ottoman allié de l’Allemagne au profit de la France et du Royaume uni qui se partageront après la guerre les territoires d’Irak, de Palestine et de Syrie sans tenir compte des populations locales dont les révoltes seront réprimées dans le sang. Relevant de la diplomatie secrète, ces accords qui n’ont pas de valeur légale seront dénoncés par Lénine en 1917.
Si le royaume uni a aboli l’esclavage en 1833, jusqu’au 20e siècle, le sort des sujets des colonies de sa gracieuse majesté était loin d’être enviable. Ministre de sa majesté, Churchill considérait les populations des colonies comme « stupid people » (population stupide). Il détestait les indiens qu’il qualifiait de « peuple d’animaux avec une religion bestiale » en traitant Gandhi de « fanatique malveillant ». Considérant que de toute façon les indiens « avaient l’habitude de mourir de faim » et qu’ils se reproduisaient « comme des lapins », il ne prendra aucune initiative pour empêcher la catastrophique famine de 1943, qui fera 5 millions de morts en inde.
Ce mépris pour les populations des colonies n’avait rien à envier à celui des pauvres d’Angleterre. Jusqu’en 1974, des centaines de milliers d’enfants ou d’orphelins de milieu modeste furent exilés vers les colonies en vue de les peupler de Britanniques de pure souche. Cette indifférence au sort du peuple était liée à un pouvoir dont la philosophie rejetait tous les acquis de la Révolution française, considérant que le sort de l’être humain était déterminé par la volonté divine. Ce mépris du peuple en général n’est pas étranger à la pensée d’une certaine madame Thatcher et d’une monarchie qui jusqu’aujourd’hui contribue à entretenir le prestige de la noblesse par une chambre des lords (chambre des seigneurs) dont les membres de tradition ultra conservatrice sont des aristocrates désignés par les souverains qui appartiennent à la même caste de super privilégiés. Churchill comme Thatcher n’hésiteront pas à faire appel à l’armée pour réprimer les travailleurs en lutte et il faudra attendre 1967 pour que les prisonniers ne soient plus soumis à la flagellation par le « Chat à neuf queues ».
La révolution d’Octobre allait exacerber cet état d’esprit conservateur en l’associant à un anticommunisme virulent qui conduira les élites britanniques à se rapprocher du fascisme. Winston Churchill, alors ministre des Finances, ne cachait pas son admiration pour Mussolini. Sa petite phrase « Si j’étais un Italien, je serais fier de porter une chemise noire, vive le fascisme en Italie. » a été reprise par tous les grands journaux en Angleterre. En 1927, au cours d’une conférence de presse à Rome qui suivait son entrevue avec Mussolini, il disait aux journalistes « Si j’avais été italien, j’en suis certain, j’aurais été entièrement avec vous du début jusqu’à la fin de votre lutte contre les appétits bestiaux et les passions du léninisme ».
La monarchie n’échappera pas à cette influence nauséabonde. Même s’il ne règnera que quelques mois sous le nom d’Edouard VIII, le Duc de Windsor et son épouse rencontreront Hitler au cours de leur visite en Allemagne en 1937.
Édouard VIII passe en revue une unité de SS en 1937. Bundesarchiv, Bild 102-17964/ Pahl, Georg /CC-BY-SA 3.0
À cette occasion le duc de Windsor n’hésitera pas à faire le salut nazi à plusieurs reprises. Édouard VIII considérait le nazisme comme un rempart contre le communisme, et il défendait une alliance avec l'Allemagne contre l’URSS. En 1938, avec la complicité de la France, le gouvernement de sa majesté participera au dépeçage de la Tchécoslovaquie au profit de l’Allemagne nazie dans une soi-disant « conférence de la paix qui sera le prélude de la seconde guerre mondiale. Peu de gens savent que jusqu’en 1944 et dans le plus grand secret, Churchill entretiendra des contacts avec Mussolini pour tenter de convaincre Hitler d’un rapprochement avec le Royaume Uni afin d’inverser le cours de la guerre et la diriger contre l’URSS. L’aversion de Staline pour le gouvernement de sa majesté n’était donc pas sans fondements.
Héritiers de l’empire et supers privilégiés
Au-delà d’une fortune personnelle de 100 millions d’euros, Charles III a gagné près de 26,5 millions d’euros au cours de l'année 2021 grâce à l’exploitation de son Duché de Cornouailles (570 km2) dont la valeur atteint désormais 1,4 milliards d’euros.
En devenant roi, Charles III va hériter de celle de sa mère estimée à 425 millions d’euros auxquels il faut ajouter un important portefeuille d’actions et une collection royale de timbres dont la valeur globale est estimée à 115 millions d’euros.
Sur le plan immobilier, Charles hérite également du Duché de Lancaster comprenant 185 km2 de biens fonciers qui a généré 27 millions de revenus privés en 2021.Charles bénéficie aussi d’une allocation annuelle (« sovereign grant ») du Trésor public, fixée à 15 % des revenus du patrimoine de la Couronne. Propriétés de sa mère, Charles III hérite également du château de Balmoral et de son domaine de 200km2 en Ecosse ainsi que de la propriété de Sandringham qui s’étend sur 42 km², des biens dont la valeur totale est estimée à 172 millions d’euros.(6,8 milliards de FB).
Château de Balmoral, Photo :Stuart Yeates de Oxford, 2004, CC BY-SA 2.0
En outre, Charles III devient l’héritier des célèbres joyaux de la couronne, des « bijoux de famille » d’une valeur 3,5 milliards d’euros. Rappelons que sa fonction royale l’exempt du paiement des droits de succession.
Et les autres sujets de sa majesté ?
Parmi les 56 millions d’autres, on compte 14 millions de travailleurs et de retraités touchés par une pauvreté qui continue à s’agraver suite aux conséquences du covid et du ralentissement de l'activité économique sur fond de Brexit. Le seuil de pauvreté est de 690 euros par mois pour un isolé (1085 en Belgique).
Le gouvernement de sa majesté étale des chiffres officiels qui font état d'un taux de chômage sous les 4%, au plus bas depuis 45 ans. Par contre, à la mi-juillet on dénombrait 10 millions de personnes au chômage technique. D’autre part, ces chiffres ne tiennent pas compte d’une augmentation considérable des emplois précaires dont les conditions sont souvent inférieures au statut de chômeur. En conséquence, la moitié des individus touchés par la pauvreté sont des travailleurs dont les rémunérations et le nombre d'heures travaillées ne sont pas suffisants pour subsister. Parmi ces emplois précaires on constate une explosion des « Contrats zéro heure » (« Zero-hour contract »)
Sa caractéristique principale est que l'employeur ne mentionne dans le contrat aucune indication d'horaires ou de durée minimum de travail et qu’il n’est donc pas tenu de donner du travail. Le salarié est rémunéré uniquement pour les heures travaillées, et doit pouvoir se rendre disponible à n'importe quel moment de la journée. Ce statut est donc inférieur à celui d’un chômeur qui a la garantie de toucher une indemnité. Il arrive parfois que ces contrats soient rapidement interrompus par l'entreprise dans le but de percevoir la prime gouvernementale de 1500 livres versée pour l’embauche de chômeurs de longue durée. Selon Ofgem, le régulateur britannique du secteur, les tarifs réglementés de l’énergie vont augmenter de 80 % à partir d’octobre alors qu’ils ont déjà triplé en un an pour 24 millions de ménages, soit 85% de la population. Selon la fondation Joseph Rowntree qui lutte contre la pauvreté, « Le Royaume-Uni devrait être un pays où chacun a la chance de vivre une vie saine, décente, sûre (...). Au lieu de cela, trop de gens vivent dans l'extrême pauvreté » et ne sont « pas en mesure de s'offrir l'essentiel pour manger, rester à l'abri du froid et de la pluie, et rester propres ».
Conclusions
A une époque où les populations sont confrontées à l’austérité et à une extension de la pauvreté, les fastes et l’extravagance des funérailles de la reine Elisabeth II qui ont couté 35 millions d’euros nous interpellent.
Il faut bien reconnaitre que ces soubresauts d’un ordre social révolu exercent une véritable fascination entretenue par les médias sur la majorité d’une population qui considère que la défunte a consacré les 70 ans de son règne pour le bien du peuple et qui la vénèrent comme une véritable incarnation de la perfection.
Apparemment, il faudra encore du temps au Royaume Uni pour organiser les funérailles de la dynastie et consacrer l’avènement de la république.