A PROPOS DE LA « DÉNAZIFICATION » DE L’UKRAINE

Il nous parait important d’approfondir notre connaissance de l’Ukraine et notamment de faire la différence entre l’Ukraine actuelle et sa partie occidentale la Galicie dont une partie de la population a effectivement posé problème pendant l’occupation nazie. Cependant cette page sombre de l’histoire ne peut en aucun cas rejaillir sur l’ensemble de la population ukrainienne qui comporte notamment une communauté de trois millions de russes.

Sur le plan historique Ukraine et Russie

En 882, la ville de Kiev devient la capitale de la « Rous de Kiev » (aussi dénommée Etat de Kiev ou Russie Kiévienne) qui est la plus ancienne entité politique russe commune à l'histoire des trois États actuels, la Biélorussie, la Russieet l’Ukraine. Cette entité disparait en 1240 du fait de l’invasion mongole.

RusKiev

Carte des débuts de la Rus’ de Kiev (SeikoEn, 2011) Lic. CC BY-SA 3.0

Du temps des tsars, l’Ukraine est appelée « petite Russie » au côté d’une « grande Russie » (la Russie) et de la « Russie blanche » (la Biélorussie). Il n’y avait pas de limite territoriale entre ces entités qui faisaient partie de l’empire de Russie jusqu’à sa disparition en 1917 lors de la révolution d’octobre. Tout comme les populations russe et biélorusse, la population ukrainienne est de confession orthodoxe sous l’autorité du patriarche de Moscou.

Le début de la « république » d’Ukraine

La révolution russe et le désordre qui s’ensuit va réveiller des vocations nationalistes qui vont donner lieu à la création d’une multitude de petits états éphémères. En Ukraine, uneRépublique nationale ukrainienne (en abrégé : UNR) est proclamée en 1917 avec Kiev comme capitale. Elle sera notamment dirigée par Semion Petlioura dont les troupes assassineront 40.000 juifs suspectés de sympathie communiste.

Parallèlement, en 1919, une première « Républi­que soviétique d’Ukraine » est proclamée à Kharkov. Avec l’appui de l’armée rouge elle s’imposera à la République nationale Ukrainien­ne avant d’être incorporée dans L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) en 1922. C’est à cette époque que le pouvoir soviétique va décider d’incorporer le bassin industriel du Donbass dans le territoire de l’Ukraine soviétique pour la doter d’une base industrielle. Les prétentions actuelles des popula­tions russophones du Donbass de rejoindre la Russie ont donc une certaine légitimité. 

 

Ukraine et Galicie

L’ouest de l’Ukraine actuelle est occupé par la Galicie dont la capitale est Lviv (en ukrainien). Avant la première mondiale la Galicie faisait partie de l’empire d’Autriche Hongrie et sa capitale s’appelait Lemberg.

A la fin de la première guerre mondiale, lors du retrait des unités d'occupation allemandes et austro-hongroises, la Pologne obtient son indépendance de facto le 11novembre1918, laquelle sera confirmée l’année suivante par le Traité de Versailles lequel reconnait l’existence de la République de Pologne en y incluant la Galicie. La population de la Galicie comprend une forte densité polonaise et juive et sa capitale Lemberg devient Lwów (en polonais, Lvov en russe).

Galicie

La Galicie dans l'Ukraine actuelle (Spiridon Ion Cepleanu, 2011) Lic. CC BY-SA 3.0

L’incorporation de la Galicie à la Pologne n’est pas du gout des nationalistes ukrainiens de Galicie (ou ruthènes). Les galiciens sont de confession catholique uniate. Ils sont anti polonais et russophobes et pratiquent un antisémitisme lié à l’anticommunisme.

Dès 1920 une « Organisation Militaire Ukrainienne » (UVO) voit le jour dans la clandestinité pour mener une lutte armée contre l’état Polonais.

 

Stepan Bandera, Roman Choukhevitch, l’OUN et l’UPA 

En 1929, la frustration des ukrainiens de Galicie aboutit à la fondation de l' « Organisation des nationalistes ukrainiens », ou OUN, qui déclare la guerre aux autorités polonaises dans le but de fonder un état ukrainien par la force et la dictature. Sous l’influence de Stepan Bandera et de Roman Choukhevitch, galiciens de pure souche, l’organisation va se radicaliser en devenant une organisation fasciste dont beaucoup de membres informent les services de renseignements de l’Allemagne nazie (Abwehr-Défense).

En retour, le régime nazi met à la disposition de l’OUN des camps d’entraînement autour de Berlin, et en Bavière. En Pologne, les membres de l’OUN commettent attentats, sabotages et assassinats sur commande comme celui du ministre de l’intérieur polonais Bronisław Pieracki en 1934. L’implication de Bandera dans cet assassinat lui vaudra d’être condamné à la réclusion à perpétuité. Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit l’ouest de la Pologne et libère Bandera qui se met tout naturellement au service des nazis. Le 17 septembre, l’est de la Pologne, dont la Galicie, est occupée par les soviétiques. En avril 1941, à Cracovie, le deuxième congrès de l’OUM réaffirme qu’il faut combattre les juifs qui sont les principaux soutiens de l’URSS. Il est décidé de fonder une unité de volontaires ukrainiens chargés d'infiltrer les lignes soviétiques avant l'attaque du 22 juin, pour pratiquer le sabotage. Cette unité sera la base de l’ « Armée Insurrectionnelle Ukrainien­ne » (UPA) qui sera fondée en 1942 et combattra avec les nazis qui créeront une 14e division SS galicienne.

 

Après l’enthousiasme, le désenchante­ment

Le 22 juin 1941, les nazis envahissent l’URSS à partir de l’Ukraine occidentale. Occupée par les soviétiques depuis 1939, la population galicienne accueille les nazis comme des libérateurs et commet des atrocités contre la population polonaise et les juifs accusés d’avoir soutenu les soviétiques.

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« Гітлер визволитель - Hitler libérateur », affiche de propagande allemande en langue ukrainienne. (1941)

Cependant, au fur et à mesure de leur progres­sion vers l'est de l’Ukraine, en raison des atrocités et des destructions qu’ils infligent à la population, les nazis vont rencontrer une forte résistance de la part de la majorité des ukrainiens, laquelle va s’accentuer et perdurer jusqu'au retour des Soviétiques en 1944. En représailles, les nazis traquent les partisans et incendient des centaines de villages avec leurs habitants. La population juive d'Ukraine et les communistes sont massacrés par des unités mobiles d’extermination (Einsatzgruppen) qui appliquent la solution finale en Ukraine (Shoa par balles). Finalement l’OUN et sa branche armée UPA finiront par retourner les armes contre les nazis lorsqu’ils comprendront qu’Hitler refuse le principe d’une République d’Ukraine indépendante qui aurait remis en question son projet « d’espace vital » visant l’asservissement de tous les peuples slaves considérés comme inférieurs.

 

La fin de Bandera

En décembre 1944, voyant que la défaite allemande est inéluctable, Stepan Bandera décide de se cacher. Après la guerre, il s’établit à Munich et se met à la disposition de Reinhard Gehlen, chef du service des renseignements nazi à l'Est. Celui-ci se met à son tour au service des États-Unis après la guerre. Ultérieurement Gehlen deviendra le fondateur et le chef du BND (Bundesnachrichtendienst, service de renseigne­ments ouest-allemands). Le réseau Gehlen est une source de renseignement capitale pour les Américains qui leur fournit 70% de ses informations militaires sur l'URSS.

Dès 1946, le réseau Gehlen va recruter et former plus de 5.000 agents est-européens parmi lesquels des ukrainiens et russes anticommunis­tes, dont nombre d'anciens nazis, qui exécutent diverses opérations secrètes, comprenant l'espionnage et le sabotage au-delà du « rideau de fer ». Le réseau Gehlen contribuera à fournir des armes aux banderistes ukrainiens dirigés par Roman Choukhevitch qui poursuivront leurs activités terroristes en Ukraine soviétique jusqu'en 1956..En septembre 1959, la presse soviétique et est-allemande va révéler le passé nazi du ministre fédéral (de la RFA) Theodor Oberlander, et sa responsabilité dans les atrocités commises à Lvov en 1941 avec la complicité de l’OUN et de Bandera. Pour étouffer cette affaire compromettante pour la RFA, Stepan Bandera sera assassiné sur ordre de Gehlen pour éviter qu’il fasse des révélations sur Oberlander.

Conclusion

Certes, comme partout ailleurs, nous condamnons fermement la résurgence actuelle d’une extrême droite ukrainienne particulièrement inquiétante. Nous admettons encore moins l’érection de monuments à la gloire de Bandera ou Choukhevitch ou que leurs noms apparaissent sur les plaques des rues et qu’ils soient considérés comme des « héros de la nation ».

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