A l’heure du repas, ne dites plus : bon appétit !, dites plutôt : bonne chance !
Après des falsifications extrêmement graves constatées au sein de l'entreprise Veviba, composante du groupe Verbist, qui représente un tiers de l'industrie belge de la transformation de la viande, les poulets à la dioxine, les œufs au fipronil, et maintenant l’affaire du saucisson de jambon Derwa, la litanie des scandales concernant le secteur alimentaire belge se poursuit.
La constance avec laquelle ces scandales touchant la chaîne alimentaire belge reviennent à la une de l'actualité démontre qu'il ne s'agit pas de défaillances fortuites ni isolées, il ne s'agit pas non plus d'une histoire belge. La répétition de ces scandales trahit un infléchissement progressif de la Politique Agricole Commune (PAC) européenne, l'inscrivant toujours davantage dans le droit fil des intérêts des multinationales de l'agrobusiness, au mépris de la santé publique.
Dans un premier temps, la PAC a cherché à promouvoir l'accroissement de la productivité alimentaire en vue de permettre à la Communauté Européenne d'atteindre l'autosuffisance alimentaire. Cette politique, pour louable qu'ait été l'objectif poursuivi, menée dans le but exclusif de la productivité en dehors de toute autre préoccupation, n'a pas tardé à montrer plusieurs effets pervers pour la santé publique et le bien-être animal.
On a pu constater une disparition des élevages en plein air au profit d'élevages concentrationnaires, où le contact entre les animaux entassés, et la terre, est remplacé par le contact du béton, et l'herbe, par le soja pour son prix compétitif. L'entassement du bétail a amené une plus grande vulnérabilité aux contaminations, auxquelles il fut répondu par un recours massif aux antibiotiques, qui furent ensuite utilisés de manière systématique comme stimulateurs de croissance.
Des souches bactériennes présentant une résistance croissante aux antibiotiques sont apparues, avec des dangers évidents pour la santé humaine. Une étape importante dans la dégradation de la qualité de la production alimentaire avait donc été franchie, dans le mépris de la santé publique, mais le pire était à venir. Un tournant majeur s’est opéré avec la réforme de la PAC en 1992. Jusque-là, l’agriculture européenne vivait préservée de l’instabilité des marchés mondiaux, mais depuis, sous l’influence de l’OMC, les prix agricoles européens ont rejoint les cours mondiaux. Les méthodes de production, les sources d’alimentation animale, les niveaux de production, sont dorénavant dictés par le marché mondial, et sa volatilité.
Venant d’un modèle dirigiste, la PAC est devenue une agriculture dérégulée. Deux groupes se dessinent progressivement parmi les producteurs agricoles : Les éleveurs ou agriculteurs à la tête de grosses exploitations, adaptés au système. La petite paysannerie, pratiquant une agriculture à visage humain, plus soucieuse de qualité et de bien- être animal, mais destinée à disparaître.. L’intégrisme budgétaire européen, machine de guerre dirigée contre les droits sociaux et les services publics, vient fragiliser encore ce qui reste des compensations de survie octroyées à la petite paysannerie. A l’avenir, les marges de manœuvre de l’UE pour protéger la petite paysannerie seront restreintes sous l’action conjuguée des diktats du marché, et de l’intégrisme budgétaire.
Cette politique de fragilisation de la petite paysannerie sert visiblement à «faire le ménage », et laisser place nette, en faveur des multinationales de l’agrobusiness, c’est dans ce même esprit que les quotas laitiers ont été supprimés, et que les traités transatlantiques ont été conçus. Qui s’en étonnera: après Washington, Bruxelles occupe la deuxième place mondiale en matière de nombre de lobbyistes. A propos de lobbysme, un ancien dirigeant de l’AFSCA, l’organisme belge censé veiller sur notre sécurité alimentaire, travaille depuis deux ans en tant que consultant et lobbyiste dans les secteurs alimentaire et pharmaceutique.
La boucle est bouclée !