Mais que font-ils de si extraordinaire ?

Le départ de Johnny Thijs, le patron de bpost, suscite bien des remous et fait couler beaucoup d'encre. Solidarité oblige, c'est surtout au sein du monde patronal que l'irritation est à son comble. Surtout du côté flamand, au sein de l'Union Flamande des Entreprises (VOKA). Mais quel est l'objet d'un tel courroux ? En cause : la décision du ministre socialiste des Entreprises publiques, Jean-Pascal Labille, de ramener le salaire du CEO de bpost, estimé à 1 million d'euros par an, à 650 000 euros. Un salaire coquet quand on sait qu'un facteur débute à 20 000 euros et peut espérer un salaire de 30 000 euros après 30 ans de carrière ! La droite et certains patrons flamands n'ont pas peur des mots et traitent le gouvernement de "marxiste-léniniste". Diantre ! On les entend moins quand il s'agit de la baisse des salaires des travailleurs....

La bagatelle de 650 000 euros, soit 1 780 euros par jour ou encore 74,20 euros de l'heure y compris en dormant puisque les nuits et jours de congés sont compris dans ce calcul ! Mais que font font-ils de si extraordinaire, ces patrons pour mériter de tels émoluments ?

On se souviendra, voici peu, du cas Didier Bellens, le patron de Belgacom qui percevait un salaire de... 2 millions d'euros. Cet arrogant personnage estimait lui aussi qu'il méritait plus de 650 000 euros et faisait dans la provocation. Il est même allé jusqu'à injurier le Premier ministre ainsi que le gouvernement. Il espérait ainsi être viré et empocher un parachute doré. Au final, il a été révoqué sans prime de départ. Rassurez-vous, Didier Bellens n'allongera pas la file des chômeurs pour autant...

Mais revenons au patron de bpost. La presse dégouline de louanges : "Johnny Thijs est celui qui assaini les finances de la poste... redressé la barre... Celui qui a fait en sorte que la poste devienne rentable". R-E-N-T-A-B-L-E ! Pas un mot pour les facteurs et les guichetiers qui bossent dans des conditions de plus en plus difficiles. Des travailleurs qui subissent de multiples plans "géoroute", pressés comme des citrons. Facteurs qui sont remplacés peu à peu par des distributeurs de courrier soumis à des cadences infernales sur un laps de temps très court et un horaire limité à trois heures par jour. Les résultats se sont fait rapidement sentir. Erreurs fréquentes dans la distribution de courrier. Il n'est pas rare de recevoir du courrier destiné à un usager qui demeure quelques maisons plus loin, voire une commune voisine. Je vous épargne les erreurs dans la distribution d'un quotidien habituel auquel on est abonné et de recevoir à la place un autre titre. Bref dans cette rentabilité, il est important de souligner que ce sont les travailleurs de la poste qui trinquent et payent le prix fort. Percevoir un salaire de 650 000 euros relève de l'indécence face aux maigres salaires et aux misérables pensions que touchent la plupart de nos concitoyens. Sans parler des chômeurs, minimexés et toute la cohorte de celles et ceux qui sont à la rue...

Dans l'édition du "Soir" du 26/12/13, Monsieur Johnny Thijs s'exprime sur son départ. Il nous apprend qu'il aurait été maltraité par son actionnaire principal (pauvre chou), en l’occurrence l’État... Mais nous n'en sauront pas plus. Le clou est cette petite phrase prononcée avec l'air de ne pas y toucher : "Le salaire de base de 500 000 euros qui peut monter jusque 650 000 euros, c'est beaucoup d'argent et c'est difficile à expliquer. Mais il ne s'agit pas seulement d'argent. Il s'agit également de la manière dont les discussions ont été menées et les intentions des gens derrière. J'espère juste que je n'ai jamais traité les gens de cette manière". Que veut nous faire croire M. Johnny Thijs ? Que le monde patronal c'est "la petite maison dans la prairie", où "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" ? Il n'a jamais traité les gens de cette manière ? Non, il a engagé du personnel à 9 euros de l'heure mais de manière sympa, avec son plus beau sourire, cool, quoi ! Du style : "Allons coco, tu recevras 9 euros de l'heure, et tu seras taillable et corvéable à merci, ça va mon copain ? C'est ça ou rien mais nous restons potes... OK ?". Toujours dans le même entretien, le patron de la poste a l'air de regretter que le débat débarque dans la presse. Aurait-il oublié, ce malheureux salarié, que nous vivons en démocratie et que la chose publique, en l’occurrence la poste, ça nous regarde... Non, selon le patronat, cette noblesse des temps modernes, les montants de leurs salaires ne doivent pas être communiqués à la piétaille que nous sommes car elle n'y entend rien ! Et enfin, cerise sur le gâteau, à la question de savoir ce qu'il fera à présent, il répond : "J'ai eu quelques propositions de mandats intéressants. Ma femme m'a dit de ne pas décider trop vite. Nous allons d'abord prendre des vacances début janvier".

Vous en connaissez beaucoup des travailleurs de bpost qui, une fois licenciés, se paient le luxe de prendre des vacances pour bien réfléchir sur les « boulots intéressants » ils vont se pencher qu’on leur propose ?

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