Le droit de grève menacé : Solidarité avec les camarades Bruno et Tom de la FGTB d’Anvers

Même si la condamnation rendue ce 29 juin à l’encontre de Bruno Verlaeckt, président de la FGTB d’Anvers est une condamnation « pour le principe », non assortie d’une peine, et si Tom de Voght, délégué FGTB dans une entreprise du secteur chimique, a finalement été acquitté, ce jugement rendu par le tribunal correctionnel d’Anvers se situe dans un contexte d’offensive violente émanant du patronat et du gouvernement contre les droits syndicaux . La FGTB ira bien sûr en appel de ce jugement. Ce jugement réclame que le mouvement social aussi envoie un signal fort pour la défense de ses droits.

Rappelons brièvement les faits. Ils remontent au mois de juin 2016, un jour de grève en Belgique, un jour de grève dans le port d’Anvers où des piquets de grève communs à plusieurs entreprises sont installés. Très rapidement la police d’Anvers intervient avec des véhicules blindés pour « nettoyer » les piquets. Bruno Verlaeckt et Tom de Voght sont arrêtés. Pour les condamner, la justice a eu recours à un article (le 406) relatif à « l’entrave méchante » à la circulation, un article qui vise des conduites qui mettent autrui en danger, et à propos duquel, lors des discussions parlementaires précédant son adoption, il avait été précisé qu’il ne pourrait être utilisé « à l’encontre de grévistes et de piquets de grève pacifiques ». Cet article prévoit des peines allant jusqu’à 10 ans de prison !

Un climat de destruction de la législation sociale et d’offensive antisyndicale!

Ce jugement a été prononcé dans un climat antisyndical entretenu par le patronat et le gouvernement MR-NVA qui est à sa solde. Le gouvernement accumule les mesures dont l’objectif est clairement le démantèlement progressif des législations protégeant les travailleurs de l’arbitraire patronal. Il s’agit prétendument de moderniser, d’alléger la législation sociale, c’est-à-dire de « flexibiliser » le travailleur. Cette « flexibilisation » imposée aux travailleurs a pris différentes formes qui vont de la création de sous-statuts précaires « flexijobistes », de la complaisance vis-à-vis du travail « ubérisé », qui n’est rien d’autre qu’une variété contemporaine de l’esclavage, de la chasse aux chômeurs et aux malades de longue durée, jusqu’à la suppression de fait du statut de prépensionné. Cette dernière mesure modifiant le statut du travailleur âgé licencié, de celui de prépensionné vers celui beaucoup plus précaire, de chômeur, l’expose à la dégressivité et aux mesures disciplinaires, alors que pour un travailleur, après 45 ans, les possibilités de recrutement sont extrêmement problématiques.

Cette « flexibilité » ne s’applique pas au patronat !

La loi que le patronat place au-dessus de tout, c’est la loi du profit immédiat et sans limites. Peu importe si une entreprise dégage des bénéfices, si une opportunité de profit supérieur se présente ailleurs, de préférence dans des pays où les droits syndicaux sont faibles ou inexistants, l’activité de cette entreprise sera délocalisée au mépris total des conséquences humaines et économiques pour le pays d’origine. L’inflexibilité patronale se marque aussi par la marginalisation de la concertation sociale, le patronat préfère se cacher derrière les décisions d’un gouvernement à sa totale dévotion. La réaction de Marie-Hélène Ska de la CSC nous le rappelle : « aujourd’hui, les employeurs, ou en tout cas leurs représentants à la FEB, sont sans foi ni loi, la seule chose qu’ils souhaitent, c’est détruire purement et simplement le dialogue social ». Pour la FEB, la protection des travailleurs participant aux élections syndicales, et des délégués syndicaux, est perçue comme un scandale. Parlant des indemnités des travailleurs ayant une activité syndicale, Bart Buysse de la FEB a même eu l’indécence de qualifier ces indemnités de « parachutes dorés » ! A la FEB, les « parachutes dorés », on connait!

Des attaques directes contre les syndicats

Le premier Ministre MR a demandé au Groupe des 10 d’étudier un encadrement plus restrictif du droit de grève, faute de quoi, une initiative gouvernementale serait prise. Déjà, le droit de grève est progressivement grignoté : instauration du « service minimum » dans les services publics, tentatives de criminalisation des actions collectives, et particulièrement des piquets de grève, comme dans les projets de loi déposés en 2005, et en 2007 par les députés MR Bacquelaine et Jeholet. Nombreux sont les militants qui ont déjà été interpelés sur des piquets de grève, menacés d’astreinte et parfois conduits devant les tribunaux. Parmi les mesures tendant à affaiblir les moyens de défense des travailleurs, la tentative d’imposer la « transparence financière aux syndicats » n’a évidemment qu’un but : obliger les syndicats à dévoiler le contenu de leurs caisses de grève, afin que le patronat et le gouvernement connaissent leur capacité de résistance. On le voit, l’ultime moyen de défense des travailleurs, le droit de grève fait l’objet des attaques répétées du patronat et du gouvernement. Ces attaques tendant à désarmer les travailleurs bénéficient du soutien actif de l’UE dont l’absurde politique austéritaire sert de justification au démantèlement des services publics et des droits sociaux. Le discours de l’UE, prônant de manière obsessionnelle la "réforme" et la "modernisation" de la société et de l’économie, masque en fait une tentative de nous ramener tout droit aux pratiques sociales du dix-neuvième siècle. En France, par exemple, suivant les recommandations émises par l’UE, dans le cadre du Pacte de Compétitivité, la « Loi Travail » a inversé la hiérarchie entre les négociations interprofessionnelles ou sectorielles, et les négociations d’entreprises. Ainsi, les avantages obtenus lors d’une négociation d’entreprise ne seront pas généralisables à l’ensemble du secteur. Poussé un peu plus loin, ce système nous ramène au bon vieux colloque singulier du dix-neuvième siècle entre patron et travailleur.

Selon la CES citée par le magazine « Syndicats » de la FGTB, par suite de cette politique d’affaiblissement de la négociation collective, depuis 1997, dans l’UE, malgré que la productivité ait augmenté de 30%, les salaires n’ont augmenté que de 20%. On assiste également dans les économies européennes à une chute importante de la part des revenus du travail dans le PIB des Etats, au profit des revenus du capital, au détriment de l’économie réelle et de la consommation, et au bénéfice de l’économie « casino », facteur de déstabilisation de l’économie mondiale, dont les travailleurs européens ont déjà eu à souffrir. Comme on le voit, les droits des travailleurs sont menacés gravement, si pas déjà largement vidés de leur substance, aussi bien au niveau national qu’à celui de l’UE. Les multinationales ont trouvé, pour leur servir de courroie de transmission des états nationaux comme le nôtre et l’UE. Nous restons confiants dans la capacité de résistance des travailleurs face aux menées antisociales du patronat et des gouvernements à leur service. Un exemple nous est donné par la lutte des travailleurs de Ryanair, qui dans des conditions de répression inimaginables au vingt et unième siècle, ont su braver les menaces proférées par le patron. Notre réponse face à ces attaques est une solidarité totale avec les travailleurs en lutte et particulièrement les camarades de la FGTB traînés en justice, pour le simple motif d’accomplir leur travail de syndicalistes.

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