NLMK Clabecq : bénéfices privatisés et délocalisés aux dépens des travailleurs, et des contribuables

Au moment où j’écris ces lignes, la lutte des travailleurs de NLMK Clabecq pour s’opposer au plan de licenciements et de réduction de salaires continue. De nombreux témoignages de solidarité leur sont parvenus, notamment ceux des travailleurs de NMLK La Louvière, et d’Arcelor Mittal.

La dernière réunion entre direction et syndicats de NLMK Clabecq s’est terminée par un échec. Cet échec était inévitable, le plan présenté par la direction impose non seulement l’élimination de la moitié des 590 emplois de NLMK Clabecq, mais encore de ponctionner 3,5 millions d’euros sur les salaires des travailleurs qui demeureront dans l’entreprise après les licenciements.

L’attitude de l’investisseur public, la Sogepa : une illustration de plus de la soumission des autorités publiques aux intérêts privés.

La Sogepa, société de gestion et de participation de la Région wallonne, détient 49% de NLMK Belgium dont dépend NLMK Clabecq. C’est le comité de direction de la Sogepa qui a mis au point avec NLMK Belgium, le plan de restructuration rejeté par les syndicats. NLMK Belgium est détenu à 51% par le groupe russe Novolipetsk Steel, lui-même controlé à 86% par le magnat russe Lisin, 57ième fortune mondiale.

Ce que la direction de NLMK et la Sogepa ont tenté de faire accroire au public consistait à dire : « que voulez-vous, c’est la loi du marché, NLMK Clabecq est en perte à cause d’un marché mondial de l’acier en surproduction, et d’un personnel pléthorique, un bon élagage dans le personnel pour rétablir la rentabilité, et tout ira bien. »

Le président du comité de direction de la Sogepa, ne cache pas sa ligne de conduite, dans l’Echo du 19 janvier, il déclare : « Quel que soit le dossier, je ne défends jamais un nombre d’emplois à maintenir. »

L’assertion selon laquelle le personnel de NLMK serait surabondant a été tragiquement démentie par les faits. Le secteur sidérurgique est un secteur où le risque d’accident est omniprésent, et réduire le personnel accroît le danger. Un mort et des blessés déplorés à NLMK Clabecq, ont amené, en novembre 2018, les travailleurs à partir en grève pour dénoncer le niveau insuffisant de sécurité.

L’origine réelle des pertes réside dans les transferts de fonds entre NLMK Clabecq et la maison-mère russe du holding. Une étude de ces transferts, que nous devons aux services d’étude du PTB, réalisée par Dirk De Block et Marco Van Hees , basée sur des données émanant de la Banque Carrefour des Entreprises, et du propre site de NLMK, montre que la maison-mère russe du groupe NLMK, en dépit de ce marché mondial de l’acier en surproduction, se porte comme un charme. La maison-mère du groupe a doublé ses bénéfices entre 2014 et 2017, passant de 773 millions de dollars à 1450 millions de dollars.

Une telle progression bénéficiaire, dans un marché aussi défavorable tient du miracle.

Le miracle n’est qu’apparent, il ne s’agit que de la mise en œuvre d’une vieille technique très couramment utilisée par les multinationales pour exfiltrer vers la maison-mère les bénéfices des filiales. Elle consiste pour la maison-mère à facturer fournitures et services aux filiales, à des prix suffisamment élevés pour permettre à la maison-mère de pomper les bénéfices de leurs filiales, quitte d’ailleurs à les mettre en perte, surtout si un actionnaire public complaisant, la Sogepa, en l’occurrence, est là pour éponger les pertes à l’aide d’argent public.

L’examen de l’évolution de la facturation par la maison-mère à NLMK Clabecq, montre qu’entre 2012 et 2017, les services facturés ont doublé, passant de 36 à 87 millions d’euros. On voit également que le prix des matières premières facturées à NLMK Clabecq permet à ce secteur de la maison-mère d’atteindre une rentabilité de 17%, rarissime dans ce secteur. A ce petit jeu, où la Sogepa éponge la moitié des pertes avec l’argent du contribuable, nous tous, comme contribuables, sommes perdants.

Le contribuable est encore perdant par le biais du mécanisme du crédit d’impôts qui immunise fiscalement une entreprise « en perte » parfois pour plusieurs années, privant ainsi la collectivité de ressources au cas où l’entreprise renouerait avec les bénéfices. L’étude du PTB, basée sur les chiffres de la maison-mère montre que depuis deux ans, la quasi-totalité des bénéfices est redistribuée aux actionnaires aux dépens des investissements. Cela nous rappelle l’époque où la sidérurgie wallonne, portée à bout de bras par la finance publique, distribuait encore des dividendes alors que les fonds prodigués par celle-ci aux patrons de la sidérurgie avaient atteint cinq fois le prix des installations sidérurgiques.

A NLMK Clabecq, ce seront à nouveau les travailleurs et les citoyens qui essuieront les « pertes » dues à l’évasion des ressources de l’entreprise vers les actionnaires de la maison-mère, les travailleurs, par la suppression d’emplois et la perte de salaire, et les contribuables qui épongeront la moitié des pertes de NLMK Clabecq. Pas question pour l’investisseur public de recueillir les fruits de ses investissements et des risques pris en notre nom, selon le président du comité de gestion de la Sogepa : « e jour où les investissements permettront d’atteindre une certaine rentabilité, la logique (ndlr: SA logique!) est de diminuer notre participation dans NLMK Europe. Nous n’avons pas vocation à rester indéfiniment ».

Bref, la politique belge en matière d’investissements publics est parfaitement conforme aux ukases de l’ultralibéralisme : nous sommes là pour payer, nous taire, et nous écraser devant le privé, quitte à aboutir des catastrophes comme celles que l’on a connues à Fortis, Dexia, Sabena et autres.

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