La santé, avant-garde du combat de l’après

Le secteur de la santé est en ébullition. La pandémie du COVID est un déclencheur, parce qu’elle rend encore plus insupportables des problèmes qui minent depuis longtemps notre système public de santé.

La lutte des travailleurs de la santé est à l’avant-garde du combat fondamental qui se joue actuellement : quand sera enfin passé le gros de la crise en cours, il ne peut être question de revenir au système malade d’avant.

Une contestation sans relâche

Manifestation du réseau « Santé en Lutte » le 29 mai, grève des médecins en formation de spécialisation le 20 mai, grèves du 14 et du 17 juin dans les hôpitaux (réseau public puis réseau privé).

Les « mardis des blouses blanches » ne sont pas si loin (2019) et la colère revient quand elles constatent que le fonds obtenu de haute lutte n’est pas suffisamment utilisé pour ce à quoi il était destiné prioritairement : recruter du personnel supplémentaire.

Ce qui est dénoncé, c’est la pénibilité toujours plus importante du travail, le manque de personnel, la pénurie de nouvelles infirmières, le manque d’attractivité de la profession, le sous-financement chronique de la santé, les trop nombreuses aides-soignantes au chômage, alors qu’il faudrait les engager d’urgence dans les hôpitaux pour soulager le personnel surchargé, ...

Ces travailleurs nous disent que les hôpitaux ont été transformés en des usines à soigner, que la rotation des patients (incités à ne pas rester trop longtemps à l’hôpital) a fortement augmenté, et que les normes d’encadrement ne sont dès lors plus suffisantes.

Les syndicats dénoncent que trop peu d’emplois ont été créés avec les 400 millions € du Fonds Blouses Blanches voté fin novembre 2019 par le Parlement.

La fin de la parenthèse de la santé pour tous, la relance du commerce de la santé

Le secteur, vu par ses dirigeants comme une machine économique, est mis au régime de la « relance » (production de chiffre d’affaire), alors que le personnel a été pressé jusqu’à la pulpe par les vagues successives de la pandémie.

En images, après avoir mené la guerre du COVID pour le « bien commun », le personnel est prié de mettre les bouchées doubles pour réamorcer la machine à profits (privés), sans qu’il soit aucunement question de remettre à plat l’ensemble du système.

Maintenant que la nécessité de revenir en arrière sur la privatisation et la globalisation à tous crins est largement partagée, il serait absurde de laisser encore un peu plus filer vers le privé ce service au public par excellence qu’est le secteur de la santé.

Le combat des médecins en formation de spécialisation en hôpital.

Récemment aussi, les médecins en formation de spécialisation en hôpital se sont manifestés. Ils ont encore une fois dénoncé le non-respect de la durée du travail et le nombre excessif d’heures qu’ils doivent prester. Sous prétexte de formation, ce sont eux qui font les gardes et les prestations pénibles. En rappelant que cette situation n’est bien sûr ni de l’intérêt du médecin en formation (épuisement, suicides, accidents, sacrifice de la vie privée et des proches), ni de l’intérêt du patient (erreurs médicales, impossibilité de prendre le temps nécessaire à écouter le patient).

Leur lutte dénonce la dérive vers une médecine déshumanisée. Elle dénonce la tendance mercantile de certains représentants du secteur. Le discours aux médecins en formation de spécialisation est trop souvent : certes c’est dur, mais on est tous passés par là. Ce sont quelques années où il faut mordre sur sa chique, mais l’investissement sera ensuite bien « rentabilisé ».

Leur combat dénonce aussi le corporatisme autour du métier. Des négociations ont eu lieu, dans lesquelles les médecins en formation étaient officiellement représentés par … l’ABSYM, qui représente en fait surtout les médecins titulaires (qui sont, du moins pour certains, les maîtres de stage des médecins en formation). L’ABSYM n’a aucune velléité à remettre en cause le système hybride actuel : une médecine « libérale-commerciale », bâtie sur la facturation à l’acte, dopée aux suppléments d’honoraires mais financée par le système de sécurité sociale public.

Le CIMACS, qui représentait les médecins en formation et qui a été « jeté hors » des négociations, demande que les médecins en formation soient traités « comme tous les travailleurs belges, avec un barème correspondant à un temps plein, et un contrôle des heures ainsi que des conditions de travail et de formation adéquates. »

La pandémie rend indispensable la contestation du profit des firmes pharmaceutiques

La question refait surface à propos des vaccins contre le COVID : les firmes les ayant développés doivent-elles conserver l’entière propriété intellectuelle, engrangeant ainsi des profits gigantesques (sans rapport avec l’investissement et les risques consentis), ralentissant la production et la vaccination globale alors qu’il s’agit d’un effort collectif, que le « marché » est acquis et captif puisqu’il s’agit de vacciner le plus rapidement possible l’entièreté de la population mondiale.

Le prix prohibitif de certains médicaments est dénoncé depuis longtemps. Les firmes pharmaceutiques gonflent leurs prix puisque ce sont des systèmes de sécurité sociale publics qui paient. Leur arme de négociation est un chantage à la vie. La logique commerciale est cynique : profiter du monopole que donne le brevet pour vendre un médicament qui sauve au prix maximum auquel la société est prête à valoriser la vie humaine.

Avec la pandémie, le problème devient évident. A suivre la voie « commerciale », il faudra continuer à vivre avec la maladie (parce que les brevets empêchent d’élargir la production et donc la vaccination rapide dans tous les pays). Au lieu de créer rapidement une immunité globale qui ferait disparaître le virus, la dualisation sera inévitable, entre des « privilégiés » qui se feront vacciner chaque année (pour rester immunisés dans un monde où le virus continue à circuler et à muter), et les autres.

Faire du traitement contre le COVID un traitement « chronique » (permanent, qui demande une nouvelle dose à intervalles réguliers) est le rêve des firmes pharmaceutiques (qui s’assurent ainsi des bénéfices sans fin), et illustre que l’intérêt collectif est desservi par la commercialisation.

Ce que nous ferons en matière de vaccins COVID sera (ou pas) la première pierre d’une réorganisation dans l’intérêt du plus grand nombre de tout le secteur pharmaceutique.

Et le changement de système

Ensuite la réorganisation de tout le secteur de la santé, puis de la société dans son ensemble car beaucoup d’autres secteurs doivent maintenant revenir sous le contrôle du public, pour mieux se préparer aux crises à venir. Par exemple le secteur de la production et de la distribution de l’énergie, secteur clef si on veut mettre en place une politique cohérente en matière de protection du climat et de l’environnement.

Le secteur de la santé est à l’avant-garde. Ce qu’on fera du secteur de la santé ouvre la porte de ce qu’on pourrait faire ensuite dans les autres secteurs. Si on ne saisit pas l’opportunité de réorganiser maintenant le secteur de la santé dans l’intérêt public, alors on sait que ce sera encore moins probable dans d’autres secteurs.

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