Le 15 février 1989, le dernier soldat de l'Armée rouge quittait l'Afghanistan, honorant très ponctuellement l'annonce du retrait faite le 8 février 1988 par Mikhaïl Gorbatchev devant l'Assemblée générale des Nations Unies[1]. Un retrait parfaitement organisé (en contraste absolu avec celui des États-Unis, en août de cette année) qui résultait des échecs des tractations dans lesquelles les Soviétiques cherchaient à négocier leur départ contre l'arrêt des interventions américaines et pakistanaises, et qui ne pouvait qu'augurer la chute imminente, presqu'automatique, du gouvernement progressiste afghan[2].
C'est exactement ainsi que l'avaient compris les services de renseignement et les administrations politiques des États-Unis et du Pakistan qui prirent la décision d'agir sans tarder pour « finir le boulot ». Dans son édition du 11 février 1989, le New York Times révélait l'existence d'une réunion secrète du Conseil de sécurité des États-Unis qui avait eu lieu le 9 en concluant que, suivant des informations provenant des services de renseignement, le gouvernement de Mohammad Najibullah n'allait plus tenir que de trois à six mois et recommandait au président G.W. Bush de continuer à armer les moudjahidines pour cette nouvelle et « dernière saison de combats ». Et le quotidien new-yorkais de commenter : « La décision de l'administration Bush confirme que l'objectif politique des États-Unis est d'accélérer l'effondrement du gouvernement de Kaboul, maintenant que le retrait des troupes soviétiques est pratiquement achevé[3]. » Les participants à la réunion suivaient ainsi les conseils et prédictions du chef moudjahidine Gulbuddin Hekmatyar, qui venait de déclarer que « la chute de Kaboul ne se comptera pas en mois mais en une paire de semaines et aura lieu sans trop de heurts dans la ville[4]. » Ils décideront donc de la précipiter. Détail significatif : à la réunion où furent invités des responsables pakistanais, aucun représentant des insurgés afghans n'était présent. Absence que le même quotidien new-yorkais expliquait, reprenant les déclarations d'un haut fonctionnaire pakistanais, selon lequel « aucun représentant de la guérilla afghane n'était présent à la réunion de mars parce que l'ISI en a la charge[5]. »(ISI, pour Inter-Services Intelligence Agency, les services secrets pakistanais).
Difficile d’imaginer scénario plus symbolique. En toile de fond, Cajamarca la ville où Atahualpa, le dernier des Incas de l'empire, fut fait prisonnier et exécuté par le conquistador espagnol Francisco Pizarro. Une ville hyper riche en ressources minières, dont la mine de Yanacocha, une de plus grandes mines d'or à ciel ouvert au monde, possédée, en grande partie, par l'américaine Newton Mining Co., le leader mondial dans la production aurifère.
Cajamarca, théâtre également de grandes luttes paysannes sous le mot d'ordre « agua si, oro no » (l'eau oui, l'or non), car ces paysans là, miséreux et souvent analphabètes, ont une autre idée de la valeur des choses. Et ils ne comprennent pas que, pour sortir ces « pierres jaunes », leurs terres doivent être polluées et leurs bétails assoiffés, la firme contrôlant en sa faveur la gestion de l'eau. C'est donc au Cajamarca, plus exactement à Puña, un de ses minuscules villages, que s'est forgée la vie militante de Pedro Castillo, le vainqueur des élections présidentielles péruviennes. Instituteur portant le poncho, syndicaliste qui sut diriger une longue grève de défense des conditions de travail des enseignants, l'homme n'a pas de culture politique particulière. Sans organisation vraiment structurée, son succès électoral fut plus l'expression d'un sentiment d'identification de ces gens, « propriétaires de rien », comme les décrivait Eduardo Galeano. En votant pour lui, ils ont tout simplement voté pour quelqu'un qui leur ressemblait.
Rien ne semble arrêter les appétits malsains du régime de Netanyahou pour spolier ce qui reste de terres à la population palestinienne. Spoliation qui remonte à très longtemps, lorsqu'à la création de l'Etat d'Israël en mai 1948 David Ben Gourion s'arrangea pour qu'il naisse sans préciser ses frontières. C'est ainsi que des 14 000 km prévus par la Résolution 181 de l'Assemblée Générale des Nations Unies ce pays en contrôle aujourd'hui environ 28 000 et ce, en attendant d'annexer encore ce qui reste à annexer de la Cisjordanie. Violant encore, grossièrement, le contenu et la nature même de ladite résolution, le gouvernement de Netanyahou fit voter en juillet 2018 par la Knesset, le parlement israélien, une loi proclamant Israël comme "État-nation du peuple juif", avec l'hébreu comme seule langue officielle et Jérusalem unifiée comme capitale. Difficile alors, sauf à violer tout respect pour la sémantique, de ne pas qualifier cet état d'état raciste pratiquant l'apartheid comme fondement de sa philosophie politique.
Depuis 2006, Gaza a subi cinq expéditions punitives et le blocus l’étrangle. La situation dans les territoires occupés reste marquée du sceau de l’humiliation, des contrôles, des vexations ordinaires et de la colonisation qui se poursuit à un rythme accéléré. Quant aux Palestino-israéliens, malgré une amélioration de leur situation matérielle, ils demeurent traités comme des citoyens de seconde zone. Tous ces facteurs sont à l’origine de l’actuelle révolte.
Ce qui se passe en Palestine présente de nombreuses caractéristiques d’une tragédie grecque. Une tragédie dont le déroulement est prévisible depuis des décennies, mais sur laquelle les médias officiels occidentaux s’aveuglent – et aveuglent ainsi l’opinion publique. Le 21 mai, après onze jours d’affrontements, qui ont fait 230 morts du côté palestinien et 12 du côté israélien, le régime de Tel-Aviv et le Hamas ont conclu un cessez-le-feu. Cependant, tout observateur lucide soulignera qu’aucun problème de fond n’est résolu, que ce soit à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza. Et ces problèmes sont dus à la politique d’Israël, sous sa dimension d’occupation militaire comme sous celle de la colonisation.
L’acte le plus récent de la tragédie
Comme le souligne l’écrivain et militant palestinien Mahmoud Muna, la Vieille Ville de Jérusalem est jalonnée de rues étroites et de maisons surpeuplées. D’autant plus qu'aucun nouveau permis de bâtir ou de rénover est accordé à des résidents palestiniens par le pouvoir occupant. C’est ce qui amène de nombreuses familles, et en particulier de nombreux jeunes, à se retrouver à la vaste Porte de Damas, qui est devenue un important lieu de vie sociale et culturelle. La place à proximité de la Porte est en forme d’amphithéâtre et héberge de nombreuses activités culturelles.
Depuis le 28 avril dernier, la Colombie vit au rythme du « Paro Nacional[1] » qui a vu une mobilisation populaire sans précédent dans les villes et villages du pays, à laquelle se sont succédés blocages de routes et barricades dans de nombreux quartiers populaires, notamment à Cali épicentre de la contestation.
Si la population a répondu à l’appel du « Comité du Paro » - regroupant les principaux syndicats colombiens - contre un projet de réforme fiscale antisociale faisant porter sur les épaules des plus pauvres les conséquences d’une gestion catastrophique de la pandémie et les cadeaux aux plus riches d’une réforme fiscale en 2019, c’est aujourd’hui la jeunesse du pays qui est dans les rues. Cette jeunesse a ainsi obtenu par sa mobilisation le retrait de la réforme ainsi que le gel d’un projet de réforme de santé, mais exige à présent une réforme de la police et des enquêtes sur les assassinats survenus dès le début de la mobilisation. Elle exige également des perspectives d’étude et de travail pour les nouvelles générations.
De manière plus profonde, les villes, villages et quartier qui se sont déclarées anti-uribiste (du nom de l’ancien président Alvaro Uribe, mentor de l’actuel, Ivan Duque), témoignent d’une véritable volonté de changement de la société. Uribe représente en effet le secteur politique le plus puissant des dernières 20 années et symbolise pour ses détracteurs la dérive narco-paramilitaire de l’état colombien. Représentant des grands propriétaires terriens et opposé à l’accord de Paix avec les FARC-EP, Uribe restait jusqu’il y a peu le politicien le plus populaire du pays.
En 1959, année de la victoire de la Révolution, la situation sanitaire de l’île était plus que préoccupante. Le dictateur Batista ne s’était guère préoccupé de la santé de la population qui devait recourir aux consultations privées payantes, chères pour les pauvres. A Cuba comme ailleurs en Amérique Latine les campagnes étaient des déserts médicaux. Les choses se sont aggravées les années suivantes car une bonne partie des médecins “libéraux” qui constatèrent que désormais leur métier ne pourrait plus les enrichir choisirent d’émigrer en Floride.
La santé nationalisée, elle devint gratuite et des facultés de médecines surgirent dans plusieurs provinces. Et déjà dans les années ‘60 Cuba envoyait des médecins dans les pays amis, entre autres en Algérie indépendante depuis peu. En quelques années Cuba devint le pays où le ratio médecin/habitant était le plus élevé, avec 8,3 médecins pour 1000 habitants (3,07 pour la Belgique ; 2,61 pour les USA ; 1,56 pour le pays voisin, la République Dominicaine ; 0,07 pour le Sénégal). Le ration 8,3 médecins pour 1000 habitants, c’est plus que nécessaire pour un gouvernement qui a choisi de mettre l’accent sur la médecine préventive. Cuba a lancé des programmes de coopération tous azimut couvrant une centaine de pays, gratuitement pour les pays les plus pauvres.